L’Atlantide est une île qui aurait été engloutie dans la pré-Antiquité. Elle est mentionnée pour la première fois par Platon dans le Timée puis le Critias.
Rapportée dans deux dialogues de Platon, à une date où celui-ci est déjà âgé, vers 357 av. J.-C., l'histoire de l'Atlantide a soulevé de nombreuses questions, de nombreux débats et a été l'objet de milliers d'ouvrages, si bien qu'on a pu la présenter comme le plus grand de tous les mystères[1].
Pour qui accorde de la véracité au récit de Platon, il résonne depuis près de 2 370 ans comme un avertissement sur l'incroyable pérennité des connaissances humaines d'une histoire qui se serait transmise sur plus de 11 600 ans. Ainsi le géologue Jacques Collina-Girard a étudié les possibilités d'une transmission orale de lointains événements historiques et géologiques[2]. Heinz-Günther Nesselrath, lui a cependant objecté que les cas attestés de telles transmissions orales ne correspondent jamais à une situation semblable à celle présentée dans le cas de l'Atlantide, où la mémoire des événements aurait été conservé en un lieu et par un peuple très éloigné de la catastrophe initiale[3].
Mais si Platon précise dans ses dialogues « le fait qu'il ne s'agit pas d'une fiction, mais d'une histoire véritable et d'un intérêt capital[4] » une majorité de livres universitaires[5] s'accordent aujourd'hui à voir le mythe de l'Atlantide comme une fable de Platon. C'est l'opinion qui s'est en effet imposée avec les travaux de Pierre Vidal-Naquet qui n'a pas abordé le mythe de l'Atlantide par les sciences du climat, de la géologie, de l'océanographie mais du point de vue de l'historien et du philologue[6] et de Christopher Gill[7] dans le monde anglo-saxon ou encore de Heinz-Günther Nesselrath en Allemagne[8]. « La narration platonicienne introduit effectivement quelque chose de nouveau : dire le fictif en le présentant comme le réel. Avec une perversité qui lui a valu un immense succès, Platon a fondé le roman historique, c'est-à-dire le roman situé dans l'espace et dans le temps[9] ». Aristote et Ératosthène avaient dès l'Antiquité marqué leur scepticisme face au mythe de Platon[10]. Pour Hervé Duchêne, professeur d'histoire ancienne à l'université de Bourgogne, le procédé rhétorique de Platon, présentant le fictif comme le réel aurait égaré « ceux qui cherchent naïvement dans le Critias et le Timée une réalité historique ou topographique précise[11] ».
La construction de cette fiction s'explique pour Kathryn A. Morgan[12] par la nécessité d'élaborer une vision d’Athènes qui correspond aux idéaux politiques de Platon : l’histoire de l’Atlantide correspond au noble mensonge qui peut servir de récit fondateur à une cité[13] . Pour construire son pastiche historique Platon a donc réutilisé les lieux communs de l'historiographie de son temps. De même, pour Bernard Sergent, chercheur au CNRS, Platon a « fabriqué un mythe » en s’inspirant de motifs puisés dans la mythologie grecque : notamment des mythes de cataclysme et d'engloutissement, la mythologie propre à Poséidon et trois récits de guerre, athénien, béotien et thessalien, enfin il considère la proximité du mythe platonicien et de la trifonctionnalité indo-européenne[14]. Luc Brisson, chercheur au CNRS, traducteur, éditeur et spécialiste des textes de Platon a lui aussi repris l'analyse de Pierre Vidal-Naquet à propos du récit de la guerre entre Athènes et l'Atlantide. Il remarque "beaucoup de lecteurs sont restés insensibles à l'ironie - à la perversité - de Platon, qui ont considéré comme une vérité historique le récit fait par Critias le jeune […] le génie de Platon, dans cette affaire, aura été de montrer à quel point il est difficile, dans la pratique, de distinguer la fiction de la vérité et le sophiste de l'historien et du philosophe"[15]. Selon Guy Kieffer, chargé de recherche au CNRS, géographe et géologue qui s'est penché sur les sources de Platon : « Il est maintenant admis que l'Atlantide n'a jamais existé et qu'il s'agit d'un mythe créé par Platon »[16]. Il conclut : « L'Atlantide n'a jamais existé. Elle correspond à une allégorie imaginée par Platon pour donner une leçon de civisme et de bonne conduite à ses concitoyens d'Athènes et dénoncer leur mercantilisme, leur indiscipline, leurs querelles et l'esprit démagogue de leurs mœurs politiques »[17] mais considère que Platon s'est inspiré des réalités géologiques observables en Sicile, plus particulièrement dans la zone de l'Etna, pour donner à son récit une apparence crédible et une précision forte dans ses descriptions.
Ces conceptions sur l'origine fictive du mythe ne sont pas cependant toujours partagées en dehors de la communauté des historiens et archéologues. En effet, des érudits de tous genres, des géographes, et des géologues, continuent leurs études et leurs explorations. Ainsi le géologue-préhistorien Jacques Collina-Girard propose de voir l'Atlantide dans un site géologique avéré près du détroit de Gibraltar, mais à une époque où aucune civilisation sédentaire n'existait. Selon lui seul le récit du cataclysme s'inspirerait de faits réels transmis dans le temps long par la mémoire orale et que la géologie permettrait de retrouver, alors que la description de la civilisation atlante ne serait due qu'à l'imagination de Platon .
Deux positions inconciliables s'opposent quant à la compréhension des récits sur l'Atlantide :
D'une part on peut en effet considérer ces récits de Platon comme une pure fiction, un mythe sans lien avec l'histoire réelle, position qui fut soutenue clairement dès le XVIe siècle et qui est celle de nombreux historiens de la Grèce antique, dans la lignée des travaux de Pierre Vidal-Naquet. Pour cette école il est donc illusoire de rechercher la trace physique de l'Atlantide qui ne fut qu'un récit métaphorique. Platon était d'ailleurs coutumier du fait dans ses dialogues, ce que souligne également Pierre Vidal-Naquet dans un ouvrage dédié à ce sujet ; Platon ferait donc ici appel au mythe comme dans de nombreux autres dialogues sans que cela doive être pris au premier degré.
D'autre part on peut considérer que le récit de Platon se rapporte à des faits réels, en supposant une déformation plus ou moins grande de ces faits par l'auteur grec. Cette position a été celle de nombreuses personnes différentes, du chercheur à l'amateur passionné et a donné lieu à beaucoup d'interprétations délirantes et d'innombrables tentatives de localisation. Des équipes se sont lancées à la recherche de ce continent mythique, notamment par des explorations sous-marines. Certaines ont amené la découverte de quelques ruines englouties, rien ne suggérant cependant leur appartenance à une civilisation autre que celles déjà connues dans le bassin méditerranéen ou ailleurs.